Performance Neubauer : Une œuvre de Jean-Pierre Raynaud au pilon

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Ouf ! Les employés du concessionnaire Peugeot Neubauer vont bientôt pouvoir prendre l’escalier ! A 15h20 tapantes aujourd’hui, une équipe de démolisseurs armée de masses et de marteaux-piqueurs a proprement pilonné… une oeuvre d’art ! Et rien de moins que celle de Jean-Pierre Raynaud, l’auteur du fameux Pot doré sur le parvis du Centre Pompidou, et de tous les pots et autres pièces carrelées de France et de Navarre puisque telle est sa marque de fabrique.

Réalisée en 1986 et entièrement montée en carrelage blanc -comme il se doit- cet autel abritait une céramique provenant de fouilles gallo-romaines. Sa présence incongrue dans le hall de l’un des plus grands concessionnaires Peugeot de Paris (qui n’a pas suivi un jour une Peugeot siglée Neubauer ??) s’explique par la passion d’un amateur éclairé : le père de l’actuel propriétaire, Eric Neubauer qui avait acquis cette oeuvre par volonté de soutenir l’artiste.

On aurait pu s’attendre -comble de l’ironie- à assister au pilonnage d’une concression de César dans une concession automobile. Mais pourquoi celui de Raynaud ? Parce qu’elle… gênait ! Au 11, Bd Gouvion Saint-Cyr, un petit groupe de personnes a donc assisté, médusé, à sa mise à terre en présence d’un huissier, Maître Jérôme Legrain. Toute l’oeuvre devait disparaître. Il n’en restera donc rien. Ni même la fresque gallo-romaine, vieille de plusieurs millénaires !

Evidemment, tout ne s’est pas fait dans l’harmonie : avant de prendre cette décision irrémédiable, et unique dans les annales, Eric Neubaeur a demandé à l’artiste l’autorisation de déplacer la construction de quelques mètres pour mettre aux normes le bâtiment en rénovation. Coût du déplacement estimé à une trentaine de milliers euros. Jean-Pierre Raynaud aurait répondu favorablement, à la condition expresse que ce soient ses équipes qui réalisent le déplacement. Devis annoncé : la modique somme de 150 000 euros. Or, l’oeuvre avait été estimée à 100 000 euros par le commissaire priseur Maître Trajan. Glups !

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Selon Eric Neubauer, son acte est « une question de principe ! »…. « Un vrai gâchis ! » C’est sûr ! Après avoir bataillé ferme, Jean-Pierre Raynaud a envoyé in extremis -à 14h- (de guerre lasse ?) une autorisation de destruction par mail. Neubauer ne sera pas poursuivi pour destruction d’oeuvre d’art, comme il aurait sans doute pu l’être si l’artiste avait souhaité porter l’affaire devant les juges. Mais qui a gagné dans l’affaire ? Certainement pas nous, même si tout le monde ignorait qu’il y avait là, sur cette portion des boulevards extérieurs, une oeuvre remarquable… dont j’ai réussi -en toute illégalité !- à voler un petit bout alors que la moindre miette était mise sous haute surveillance pour éviter tout détournement possible (des morceaux d’une oeuvre détruite ne constituent-ils pas une nouvelle oeuvre, avec une cote encore plus élevée ?…) Mais, je le jure, je ne le vendrai pas !

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