Rembrandt, au Rijksmuseum : de la Compagnie à la Ronde de nuit

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La Compagnie de Frans Banning Cocq et Willem van Ruytenburch ou la ronde de nuit. Peinture de Rembrandt van Rijn (1606-1669), 1642. Rijksmuseum, Amsterdam. ©Electa/Leemage 66972

On lui attribue à ce jour plus de 400 peintures, Rembrandt s’est fait connaître très tôt notamment par ses portraits de groupe comme La Ronde de nuit (1642). Conservée au Rijksmuseum, cette œuvre intitulée « La Compagnie de Frans Banning Cocq et Willem van Ruytenburch » est emblématique de sa maîtrise absolue du clair-obscur. Pour les 350 ans de sa naissance, le musée lui consacre une rétrospective à découvrir à Amsterdam, jusqu’au 19 janvier 2020.

Le tableau a souffert de son jaunissement sous les couches de vernis, perceptible dès le XVIIIsiècle. Il devient si sombre qu’il reçoit le surnom de Ronde de nuit, alors que la scène est diurne. Dans l’ombre, mais pas pour tous : Pour y avoir leur tête, les gardes à l’arrière-plan versent 100 florins chacun, mais ceux qui veulent être dans la lumière déboursent des sommes bien plus élevées. Les efforts pour l’éclaircir se sont succédés depuis : le Rijksmuseum d’Amsterdam, qui le conserve depuis 1885, a engagé, le 8 juillet 2019, une énième campagne de restauration qui se flatte d’être la plus scientifique jamais entreprise.

2019 est l’année du 500e anniversaire de la  mort du grand Léonard de Vinci. Mais qu’en est-t-il de Rembrandt van Rijn (1606-1669), ce génie de la peinture flamande moderne qui fête la 350e année de sa mort. Inspiré du Caravage, l’artiste a mis au centre de son travail la technique du clair-obscur. Rembrandt n’utilise pas de contrastes violents. Muni d’une palette de couleurs limitée, il façonne l’espace avec un traitement de la matière propre à son pinceau, créant des ambiances brumeuses parfois mystiques. Le clair-obscur est très apprécié en ce début du XVIIe siècle et particulièrement dans l’art religieux. Il permet de donner une gravité aux scènes représentées et à accentuer l’émotion présente dans les figures sacrées. Aussi il répond aux écrits théoriques des artistes flamands qui étudient l’expression de l’esprit à travers le dessin, l’esquisse, la peinture… De part sa maîtrise dans cette technique, Rembrandt se distingue particulièrement dans la gravure et se présente comme le plus grand graveur de son temps. Roger de Piles, théoricien de l’art du XVIIIe siècle parle d’une « suprême intelligence du clair-obscur ».

Souvent jugés rugueux et sales, les tableaux de Rembrandt présentent en effet une matière très loin du canon lisse des peintres modernes. La vogue depuis la Renaissance est la reprise de la mimésis antique, le reflet de la réalité dans le cadre, le miroir des peintres flamands comme Van Dyck. Le tableau perd sa présence formelle d’oeuvre d’art et brouille la définition du cadre dans lequel la scène se situe. Rembrandt en fait autrement et attire un public habitué au lisse et au  »léché » pour le côté rugueux de son oeuvre. Pour lui, la peinture est un « métier » d’atelier . Il essuie ses pinceaux sur son tablier, fait des rehauts de couleur au couteau et hésite pas à mettre les doigts pour créer une épaisseur unique. Rembrandt se désintéresse de l’illusionnisme qui nourrit la peinture hollandaise des Van der Weyden et Van Dyck. Il cherche à faire ressentir des émotions au spectateur par l’oeil mais aussi par le toucher. Dans le clivage  » lisse – rugueux  » qui sépare les écoles italiennes des écoles flamandes, Rembrandt se place à la frontière et présente une plus grande proximité avec ses homologues italiens qu’hollandais.

« Rembrandt, triste hôpital tout rempli de murmures,
Et d’un grand crucifix décoré seulement, 
Où la prière en pleurs s’exhale des ordures, 
Et d’un rayon d’hiver traversé brusquement… »
Charles Baudelaire, Les Phares, Les Fleurs du mal

Pendant toute sa carrière, Rembrandt a connu une popularité internationale. Ses oeuvres furent d’une importance fondamentale pour l’histoire de l’art, par les prouesses techniques qu’elles présentent, mais aussi par la représentation de la société de son époque qu’il traita avec beaucoup d’objectivité et d’exactitude. Malgré cette reconnaissance de son vivant, Rembrandt mourra tragiquement, seul et sans un sou. Sa renommée fut enterrée avec lui jusqu’à peu avant l’avènement des Lumières avec notamment Roger de Piles dans son Abrégé de la vie des peintres (1715). C’est au XIXe siècle, avec les peintres romantiques, que Rembrandt va retrouver une certaine reconnaissance jusque dans la littérature car il incarne la légende romantique de l’artiste solitaire et incompris.

> Le programme des 350 ans de Rembrandt

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