Roxana Azimi : « L’Art brut, c’est le moment où les choses vrillent »

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La folie de l'art brut

Envoyée spéciale sur le terrain de l’Art brut, Roxana Azimi signe un livre décapant intitulé « La Folie de l’art brut » aux éditions Séguier consacré aux relations tendues entre art brut et art contemporain.

A un rythme effréné, Roxana Azimi chronique chaque jour les grands événements artistiques pour le Quotidien de l’art, ce média numérique qu’elle a co-fondé en 2011. Bâle, Miami, Shanghai… elle flaire l’air du temps et rencontre les acteurs de ce marché en perpétuelle ébullition. Rodée aux discours de l’art contemporain, la journaliste au style acéré et à l’ironie bienveillante, sait rendre comme personne en quelques mots ciselés la vacuité des propos qu’elle recueille ou des œuvres qu’elle découvre, mais aussi éclairer l’intelligence d’une personnalité émergente ou d’un travail digne d’être remarqué.

La folie de l'art brut

Dans ce premier ouvrage, Roxana Azimi ouvre le débat en s’intéressant aux rapports nouveaux – et ambigus – qu’entretiennent art brut et art contemporain.

Si le terme art brut est apparu en 1945 sous la plume de Jean Dubuffet, il est en effet sous les feux de l’actualité car remis sur le devant de la scène grâce à des passionnés, comme le galeriste parisien Christian Berst ou le collectionneur Antoine de Galbert. Ce dernier, fondateur et animateur de la Maison Rouge à Paris depuis 2004, aime bousculer les codes en dévoilant aux visiteurs des univers d’amateurs peu communs. « L’Art brut, c’est le moment où les choses vrillent », décrypte-t-elle. Une belle expression pour exprimer ce sentiment ressenti par le spectateur et le créateur de se tordre sur soi-même. Les artistes de l’Art brut, des experts en distorsion!

Les artistes contemporains se nourrissent en effet à nouveau de ces artistes autodidactes de l’Art brut, qui furent tant décriés, sans pour autant toujours livrer – ou même reconnaître – leurs sources. L’art contemporain serait-il à bout de souffle? Roxana Azimi a eu la bonne idée d’interpeller les étudiants en école des beaux-arts, ceux qui « biberonnent à l’art post-conceptuel », pour les interroger sur leur rapport à cet art jugé mineur. Car c’est un fait, en enseignant la diversité des techniques, les écoles d’art formatent. Et son enquête, complète, internationale, la mène des collections de Villeneuve d’Ascq au centre d’art brut Gugging en Basse-Autriche. Elle explore la démarche des artistes qui se revendiquent parfois de figures de l’Art brut, notamment d’Henry Darger, né en 1892 à Chicago qui a laissé à sa mort en 1973 plusieurs centaines de dessins fulgurants.

Qui sont les acteurs contemporains de ce renouveau de l’Art brut, ceux qui en assurent la renaissance sur le marché?

« Le collectionneur de l’Art brut n’est jamais un commanditaire », explique-t-elle. C’est ainsi le cas, par exemple, de l’un des grands défricheurs actuels de l’Art brut, Bruno Decharme. Ce réalisateur parisien, formé au cinéma par Tati, a assemblé l’une des plus belles collections au monde: un ensemble de 3500 pièces représentant près de 300 artistes du milieu du XIXe siècle à nos jours. Une chance de la découvrir: quelques cinq cents œuvres choisies sont exposées à la Maison rouge, jusqu’au 18 janvier. Entre étonnement et singularité.

Photo de couverture : encre, gouache et collage sur papier, Lubos Plny, 2007

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